Voilà, cela faisait deux mois que moi et une amie nous escrimions à cultiver des Panaeolus Cyanescens (qui n'y ressemblent pas mais tant pis), et le labeur d'être récompensé, et la récolte d'être récoltée, et le fruit d'être testé, et la joie d'être consommée ^^ Nous n'avons pris qu'un seul specimen pour deux (un gros quand même), histoire de vérifier qu'on a pas cultivé des trucs toxiques qui plient l'estomac en quatre et qui appellent les pompiers en guise d'hallu. Dans un petit parc public, posés sur l'herbe devant une colinne où s'agitent des herbes hautes, dégustation étalée sur 30 minutes du champi à l'agréable goût de noisette (pourquoi pas). A peine fini, les premiers signes se font ressentir... léger état second, conscience du dialogue difficile, vagues mouvements de l'herbe, qui semble respirer (comme des petites bottes de terre qui se soulèvent régulièrement). Ca commence à devenir sérieux quand l'axe horizontal se balance et surtout quand arrive un effet que j'adore : la sensation d'être sur une balançoire en herbe de 250 mètres de long qui glisse doucement de gauche et de droite ^^ Un constat s'impose : nous ressentons un inteeeense sentiment de bonheur. Et là pof montée soudaine mais pas du tout désagréable, la perspective perd toute logique, les différents plans du paysage sont décousus, se superposent, changent de hauteur, avancent vers moi, je vois l'herbe comme si j'étais au niveau du sol, devant mes yeux, alors que je suis assis en tailleur. Les motifs de la nature sont logiques, géométriques, on a la certitude, la révélation qu'elle ne pousse pas au hasard. Et c'est là que l'extase totale commence, j'ai pleuré devant la beauté pour la première fois de ma vie : j'ai fixé l'herbe au même endroit pendant deux bonnes heures, et une foule de spectacles grandioses s'y sont déroulés. Je ne suis même pas spectateur, je n'ai plus l'impression d'exister, je ne sens plus mon corps et ne fais plus qu'une chose : voir. Tout d'abord, les herbes ondulent, dansent, changent de couleur. Et là d'un coup des lettres, extrêmement nettes, apparaissent dans l'herbe, dessinées par l'herbe. Les mots ne sont pas sensés, lisibles mais inconnus, se superposent, glissent. Et les mots laissent la place à, étrange, des motifs incas, au centre un gigantesque dessin de soleil entouré par des représentations (parfaitement représentatives ! aucune interprétation, rien d'abstrait !) d'animaux exotiques, des girafes, lions, perroquets, le tout ondulant et tournoyant légèrement, changeant de couleur. Puis les plantes ont semblé se "projetter dans le futur" : elles poussaient, bourgeonnaient, fleurissaient, dans de magnifiques prolongations blanches extrêmement fines. Tout le paysage se fait coloniser par ces filaments blancs rampants comme autant de minuscules serpents végétaux. En regardant les cheveux de mon amie, eux aussi poussaient (et ma barbe poussait également à ce qu'il paraît ^^). Et là, des centaines de paires d'yeux apparurent, appartenant à autant de petits lutins feuillus qui me fixent... Puis apparurent des espèces d'hologramme en feu... des projections de formes abstraites rouges, ondulant comme des flammes, en trois dimensions, tout autour de moi (je ne voyais absolument plus le paysage original, j'étais dans un gigantesque univers psychédélique). Et, grand final, tous les effets ont semblés se cumuler et apparaître en même temps pour représenter une espèce d'énorme scène représentant la Vie : les herbes, les hologrammes, les lettres, formaient des formes féminines, puis carrément des scènes de fornication, fixes, comme un kamasutra végétal ! Du grand délire ! Puis le soir est arrivé et le visuel a diminué, alors a commencé un stade d'hallucinations physiques : changeant de positions après deux heures d'apathie, je déplace ma jambe... et celle-là se détache de mon corps et glisse à quelques mètres de là ! Wow, reviens ^^ Je décide de m'allonger parceque c'est surprenant... et SBAF ma main se retrouve 20 mètres sous terre, enroulées dans des racines, compressée par la terre. Mais rien ne me semble dangereux, au contraire, j'ai l'impression que la Terre fait union avec ma main, je laisse aller, je respecte, j'ai mal à la main mais je ressens vraiment la présence de la Terre. Avec mon autre main, je caresse l'herbe : chaque brin d'herbe est dur comme du bois, puissant ! J'ai l'impression que la Nature veut me montrer à quel point le moindre brin d'herbe a un pouvoir, une vie. Respect ! Je n'ai jamais été aussi humble qu'à ce moment de ma vie. Là, mon amie (qui, à la limite de mon champ de vision - grande zone d'hallucinations - mesurait dans les 15 mètres) se colle contre moi : en touchant son visage, sa peau se dissout sous mon doigts comme de la crème ! J'ai l'impression d'effleurer une crème mont blanc. Très fun à la texture. Et là, excellentissime, je sens une présence. Je lève les yeux, et au-dessus de nous, en perspective déformée, un champignon géant au chapeau rond et rouge ! Et j'ai l'intime conviction en le voyant que c'est l'Esprit du Lieu (lieu très fourni en champis sauvages d'ailleurs) et qu'il est content de voir des gens qui, là, ne font qu'un avec la nature. La nuit parfaitement tombée, la sensation d'exister retrouvée, une crise de fous rires débiles incontrôlables commença (marrant, c'est plus au début d'habitude, et là carrément 3-4 heures plus tard). Et une folle envie de manger ^^ Hop, dégustations de petit beurre, chocolat et fruis secs... ouaaaaah, le goût de tout est divin ! On s'explose l'estomac. On rentre à pied de nuit, chemin parsemé de fous rires, un sourire indécrochable aux lèvres, la sensation d'avoir compris des choses importantes, le bonheur de s'extasier devant la moindre feuille. Cette expérience a changé ma vie ! Du moins ma vision du monde. J'ai mis du temps à trouver des mots pour la décrire, et, toute personne ayant essayé des champgnons le saura : les mots n'arrivent pas à la cheville du visuel, qui n'est pas descriptible, rien ne peut préparer quiconque à de telles visions, c'est une expérience incroyablement enrichissante, qui devrait être obligatoire ;)
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